Travail non rémunéré dans le secteur caritatif au Canada : Éclairer les réalités cachées
Depuis deux ans, une petite équipe du Projet Canada Perspectives des Organismes de Bienfaisance (PCPOB) de l’Université Carleton sollicite un groupe d’organismes de bienfaisance enregistrés et sélectionné au hasard dans tout le Canada pour les inviter à devenir membres d’un panel dans le cadre de notre enquête sur le secteur. L’un des aspects uniques de ce travail d’approche est qu’il nous donne l’occasion d’en apprendre davantage sur les membres du secteur caritatif de ce pays et, parfois, de jeter un coup d’œil sur les réalités quotidiennes du travail au sein de ces organismes. Souvent, lorsque les organismes de bienfaisance déclinent notre invitation, ils invoquent le manque de personnel ou de temps, et craignent de surcharger leurs employé.e.s déjà très occupé.e.s. Les résultats de notre enquête apportent un éclairage supplémentaire sur cette question.
Par exemple, en juillet 2023, l’enquête du PCPOB sur la demande et la prestation de services a indiqué qu’une majorité des organismes de bienfaisance ayant répondu à l’enquête faisaient face à une demande accrue de leurs services. Cette tendance s’est poursuivie en 2024. En janvier, nous avons interrogé les organismes de bienfaisance sur l’impact de l’inflation au sein de leurs organisations, et l’enquête a révélé que 50 % des organismes de bienfaisance ayant répondu ont connu une « augmentation » ou une « augmentation importante » de la demande de leurs services, tandis que 63 % de ces mêmes organismes de bienfaisance font face à une « augmentation » ou à une « augmentation importante » des coûts associés à la prestation de leurs services/activités. Lorsqu’on a demandé aux organismes de bienfaisance quels secteurs de leur organisation avaient été touchés par les taux d’inflation, les « salaires » ont été l’option la plus fréquemment choisie.
Au milieu de ces pressions persistantes pour faire plus avec moins, nous avons demandé aux organismes de bienfaisance en mars 2024 si certain.e.s de leurs employé.e.s rémunéré.e.s fournissaient du travail supplémentaire non rémunéré (travail non payé ou temps de remplacement). 53 % des organismes ont répondu par l’affirmative. Parmi ceux qui ont répondu « oui », ces organismes de bienfaisance estiment en moyenne que le personnel de premier niveau fournit 7 heures par mois de travail non rémunéré, le personnel de niveau intermédiaire fournit 15 heures par mois de travail non rémunéré et le personnel de direction et de niveau supérieur fournit, en moyenne, 35 heures par mois de travail non rémunéré.
Examinons rapidement l’un de ces cas. Selon notre enquête de mars 2024, un poste de cadre à temps plein dans un organisme de bienfaisance est rémunéré en moyenne 69 918 $ par an. D’après les chiffres indiqués ci-dessus, certains cadres travaillent environ 60 jours de plus par an… 60 jours de plus invisibles pour le grand public lorsque nous lisons des données sur les salaires et les avantages sociaux dans le secteur caritatif. Ces 60 jours supplémentaires signifient qu’un salaire de 69 918 $ rémunère en fait 14 mois de travail, et non 12, ce qui place les salaires mensuels corrigés à 4 994 $ plutôt qu’à 5 826 $. Interrogés sur les mesures prises pour restreindre le travail non rémunéré, de nombreux organismes de bienfaisance ont mentionné des initiatives telles que la promotion de l’équilibre entre vie professionnelle et vie privée et la recherche de moyens d’augmenter la rémunération comme mesures compensatoires.
“We have created “rest weeks” and staff initiatives to promote slowing down and not creating the pressure to get work done. Stronger enforcement of practice of everyone leaving at 5pm, no evening or weekend emails. Biggest piece is realistic goals and action plans.”
“Yes. We are looking at ways to increase compensation to cover the extra work our paid staff do.”
“yes for the entry and mid – not for the executive level – it is expected”.
Cependant, certaines ont cité des contraintes financières et l’attente d’un travail non rémunéré à certains niveaux.
“Yes, but we cannot afford true, fair compensation for hours worked”.
“Unfortunately, we cannot, the job is big, the funds are not”.
“No one else to do the work”.
Ces résultats s’inscrivent dans le cadre d’une discussion plus large sur le travail décent dans le secteur et soulèvent la question suivante : dans quelle mesure cette façon de travailler est-elle durable pour les organismes de bienfaisance ? L’Ontario Nonprofit Network (ONN) et Imagine Canada ont déjà mené des recherches sur les conditions de travail et recommandé des mesures d’amélioration. En 2024, des questions telles que l’épuisement du personnel, le bien-être, le recrutement, la fidélisation et les défis liés à l’accessibilité demeurent les principales préoccupations des dirigeant.e.s du secteur, comme le souligne The Philanthropist Journal. Le problème persistant du travail non rémunéré dans le secteur reflète également des récits et des stéréotypes sexistes plus larges sur le travail caritatif.
Bien que la prévalence du travail non rémunéré ne soit pas surprenante compte tenu de ces défis, le reconnaître et l’aborder ouvertement constituent des étapes essentielles pour assurer des conditions de travail équitables et durables dans le secteur caritatif canadien.
-L’équipe du PCPOB