Embrasser l’esprit et l’âme : réflexions issues de la marche des données 2025 du PCPOB
Lors du Sommet sur les données 2025 du Projet Canada Perspectives des Organismes de Bienfaisance (PCPOB), j’ai eu le privilège d’animer la dernière étape de notre Data Walk matinal, intitulée « Regarder vers l’horizon – Où allons-nous à partir de là ? ». Les participants au sommet, qui sont des dirigeants, des praticiens et des chercheurs de l’ensemble du secteur caritatif, ont participé à six tours de discussion et se sont penchés de manière approfondie sur les données recueillies au cours des trois dernières années par le PCPOB.
Ce qui s’est déroulé à mon atelier était moins une discussion technique sur les données qu’une conversation sincère sur le désir collectif d’aller au-delà des mesures réactives et de retrouver l’esprit du secteur, tout en reconnaissant que sa véritable force et sa résilience ont toujours provenu de son âme humaine et culturelle.
La nécessité de s’exprimer avec plus de clarté et d’assurance
Aucun sujet n’a suscité autant d’émotions que le plaidoyer. Les données ont montré que près de la moitié des organismes de bienfaisance affirment que le plaidoyer ne correspond pas à leur mission, une conclusion qui en a surpris plus d’un. Plusieurs participants ont admis que cette hésitation était due à un mélange d’obstacles institutionnels, de capacités limitées et à la « froideur » persistante des audits gouvernementaux passés, lorsque de nombreux organismes évitaient le plaidoyer public afin de protéger leur statut caritatif. D’autres ont souligné la crainte d’aliéner les bailleurs de fonds ou les donateurs.
Mais un changement de perspective est alors venu bouleverser complètement la conversation. Un participant a suggéré que le problème n’était peut-être pas la réticence, mais le langage. Il a fait remarquer que de nombreuses organisations mènent des actions de plaidoyer, mais qu’elles les appellent autrement : éducation publique, campagnes de sensibilisation ou développement communautaire. Cette observation a laissé entrevoir une voie à suivre où des exemples collectifs peuvent aider à démystifier le plaidoyer et montrer que s’exprimer n’est pas séparé de la réalisation de la mission, mais en fait partie intégrante.
Parallèlement, les participants ont donné des exemples de courage et d’adaptation dans leur travail de plaidoyer. Un groupe travaillant dans le domaine de l’environnement a expliqué comment il encourageait les communautés à militer pour une eau propre aux niveaux local et provincial, en intégrant la sensibilisation aux politiques dans la prestation de services. Un autre participant a décrit une grande organisation de sécurité alimentaire qui est progressivement passée d’un modèle d’intervention d’urgence à un rôle de plaidoyer durable en témoignant devant des comités et en s’efforçant de s’attaquer aux causes profondes de la faim.
La nécessité d’intensifier les efforts en s’appuyant davantage sur la stratégie et la réflexion
Un autre thème qui est revenu à plusieurs reprises était celui de l’intelligence artificielle (IA). Les participants ont partagé des expériences qui reflétaient un secteur en phase d’exploration : prêt à tester, mais déterminé à rester fidèle à ses valeurs.
Le potentiel de l’IA pour alléger les pressions administratives a été reconnu : automatisation des tâches répétitives, synthèse des rapports et libération du temps du personnel pour les relations humaines. Certains participants ont indiqué que leur organisation avait déjà commencé à utiliser l’IA après avoir suivi une formation ciblée, tandis que d’autres adoptent une approche plus lente et plus structurée. Une participante a décrit une politique mise en place dans son organisation qui oblige le personnel à demander une autorisation avant d’utiliser des outils tels que ChatGPT pour la rédaction de demandes de subventions ou la recherche de donateurs, afin de garantir une utilisation réfléchie plutôt qu’une adoption aveugle.
Malgré ces débuts structurés, plusieurs participants ont admis que la préparation au numérique reste inégale dans le secteur. Un haut responsable a évoqué sa propre expérience lors des débuts des ordinateurs personnels et du traitement de texte, rappelant comment cette évolution technologique avait divisé la main-d’œuvre entre ceux qui avaient adopté le changement et ceux qui ne s’y étaient jamais complètement adaptés, et suggérant qu’une fracture similaire pourrait maintenant apparaître avec l’IA. Un autre intervenant a fait remarquer que beaucoup de gens ne savent pas comment organiser correctement les données pour utiliser les outils disponibles. Il a donné l’exemple d’une personne qui souhaitait utiliser l’IA pour remplir un contrat alors que le seul outil nécessaire était le « réseau », rappelant que tous les problèmes ne nécessitent pas forcément une technologie de pointe. Savoir quelles informations existent déjà, bien les organiser et valoriser les relations humaines doivent être considérés comme faisant partie des bonnes pratiques en matière de données.
Les participants ont également noté que l’IA et l’éthique n’ont pas rattrapé leur retard sur la technologie et que les organisations ont du mal à mettre en balance les dommages et les conséquences potentiels avec les avantages. Un intervenant a souligné que l’IA a déjà montré des biais dans des contextes tels que les cabinets médicaux, en fournissant des résultats plus positifs pour les hommes tout en déclenchant des alertes de dépression pour les femmes présentant des symptômes similaires. Un autre a exprimé sa préoccupation quant au fait que les organisations utilisent l’IA comme substitut à la formation et à l’investissement dans le personnel. Il a noté que ses collègues utilisaient l’IA pour combler un déficit de compétences dans des domaines tels que la rédaction de demandes de subventions et la communication, et a déclaré qu’il serait formidable de pouvoir investir davantage dans les personnes.
La nécessité de la collaboration
S’il y a un point commun que j’ai trouvé entre les six cycles, c’est bien la collaboration. Les participants avec lesquels j’ai discuté ont mentionné de nombreux exemples encourageants de collaboration déjà en cours. Des coalitions de refuges pour victimes de violence sexiste, par exemple, ont formé des associations provinciales et nationales qui permettent à leurs membres de défendre collectivement leurs intérêts, de partager leur expertise et de mettre en commun leurs ressources de formation, accomplissant ainsi beaucoup plus ensemble qu’ils ne le pourraient seuls. Les modèles de services partagés, tels que les programmes de formation conjoints et les lignes d’assistance numériques, démontrent également comment la mise en commun des ressources peut permettre d’étendre des outils et des plateformes de haute qualité à des organisations plus petites qui, sans cela, n’y auraient pas accès.
L’un des exemples les plus frappants est celui d’une fondation qui a délibérément réuni ses bénéficiaires et les décideurs politiques afin qu’ils collaborent directement. Cette expérience donne un aperçu de la manière dont de nouvelles relations et la résolution commune de problèmes peuvent briser les cloisonnements de longue date. Un autre participant a fait remarquer qu’une collaboration accrue, voire des fusions, peuvent améliorer l’efficacité et créer une expérience plus fluide pour les clients, leur évitant ainsi d’avoir à naviguer entre d’innombrables agences. Cependant, il a également été reconnu que des barrières culturelles et émotionnelles profondes subsistent, notamment la crainte de perdre la mission et l’identité distinctes d’une organisation au cours du processus.
« Nous allons d’abord faire la fête ! » : rendre hommage à l’âme du secteur
Ce qui m’a le plus marqué dans cette discussion, c’est à quel point le désir collectif d’« esprit » (ambition, confiance et clarté) mais aussi d’« âme » (appartenance, alignement sur la mission et centrage sur les personnes) est profond. À maintes reprises, les participants ont exprimé leur volonté de dépasser la gestion constante des difficultés pour se tourner vers une vision à long terme et un courage collectif, tout en rappelant à leurs pairs que le cœur du secteur réside dans ses personnes, ses valeurs et sa culture. Un dirigeant a parfaitement résumé cette idée lorsqu’on lui a demandé quelles mesures il prendrait pour faire avancer son organisation vers l’avenir : il a simplement répondu « nous allons d’abord faire la fête et célébrer ! ». Ce message profondément humain m’a marqué. Il nous rappelle que la durabilité ne dépend pas seulement de meilleurs plans et stratégies, mais aussi de la capacité à trouver ensemble de la joie, à célébrer ce qui est encore solide et à se souvenir pourquoi nous avons commencé ce travail au départ.
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