Simon Brault

Simon Brault, directeur et chef de la direction du Conseil des arts du Canada. Photo par Tony Fouhse.

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À la fin de 2022

Simon Brault, directeur et chef de la direction du Conseil des arts du Canada, a rencontré PANL Perspectives dans le cadre de la série The Arts and Social Issues afin de discuter des façons dont l’organisme répond aux enjeux sociaux. Le Conseil est l’organisme public de soutien aux arts du Canada, et son mandat est de favoriser et de promouvoir l’étude et la diffusion des arts, ainsi que la production d’œuvres d’art. En 2021-2022, il a versé approximativement 475 millions de dollars en subventions à des artistes, à des organismes et à des institutions. (Le compte rendu de cette entrevue a été révisé par souci de clarté.)

Q : Quelles nouvelles initiatives le Conseil des arts a-t-il mises en œuvre en matière de justice sociale, de vérité et de réconciliation, d’accès et de diversité, et de solutions aux changements climatiques?

Brault : Le Conseil des arts a lancé son plan stratégique 2021-2026, L’art, plus que jamais, afin de garantir que les arts sont considérés et perçus comme plus pertinents par l’ensemble de la population canadienne. Le secteur artistique et les artistes ne peuvent pas faire abstraction des enjeux qui comptent pour la population, notamment la justice sociale, les changements climatiques, la diversité, l’inclusion, la représentation et la question du Nord.

Les arts ne constituent pas uniquement un secteur d’activité. L’art est également une dimension de notre démocratie, de notre pays, de nos communautés et de nos vies en tant qu’êtres humains. Le Conseil des arts tient compte des enjeux sociaux lorsqu’il doit prendre des décisions relatives à ses investissements.

Le soutien que le Conseil des arts offre aux artistes du Nord en est un exemple. Il devient de plus en plus évident que la majorité de nos défis pour l’avenir sont représentés dans cette région du pays. Les changements climatiques, le manque d’attaches, l’isolement, la distance et les barrières physiques sont des exemples de ces problèmes énormes et urgents. Pendant des années, la vision du Conseil des arts consistait à expliquer aux personnes vivant dans le Nord comment accéder aux programmes conçus dans le sud. Nous comprenons maintenant que nous devons soutenir les artistes là-bas, selon leurs propres conditions. Ce virage a été transformateur.

Pendant 150 ans, ce pays, avec son système de pensionnats et avec diverses politiques, a tenté d’effacer l’existence culturelle des peuples autochtones. Dans nos efforts pour soutenir les arts autochtones, nous tenons compte de ce fait ainsi que des barrières systémiques que ces peuples ont dû surmonter, notamment la vision eurocentrique des arts. Il y a quelques années, nous avons créé un programme qui soutient les arts autochtones et qui est dirigé par du personnel autochtone. Les catégories que nous utilisions par le passé ont perdu de leur pertinence. Par exemple, si nous soutenions autrefois la littérature en français ou en anglais, nous appuyons aujourd’hui la littérature et les livres jeunesse rédigés dans des langues autochtones, des langues qui doivent survivre et être florissantes.

Q : Avez-vous remarqué si certains secteurs artistiques se sont positionnés comme chefs de file par rapport aux changements stratégiques que vous avez mentionnés?

Brault : Oui, notamment le théâtre, surtout à Toronto, où des groupes comme Why Not Theatre et beaucoup d’autres compagnies, dramaturges et metteuses et metteurs en scène aux horizons variés discutent et proposent des pièces sur des questions liées à la justice sociale et à l’inclusion.

C’est aussi le cas de la littérature. Il y a des livres, des romans, de la poésie et des essais où ces enjeux sont en trame de fond ou même au premier plan. Cela comprend des œuvres littéraires pour les enfants et les jeunes. De nombreux livres d’enfants publiés portent sur l’avenir de la planète et la justice climatique, posent la question du vivre-ensemble ou traitent de la pauvreté et d’autres questions sérieuses qui étaient autrefois vues comme étant réservées aux adultes.

Les arts visuels se sont eux aussi intéressés à ces questions et à ces points de vue.

Ce n’est pas au Conseil des arts d’influencer ou de prescrire ce que les artistes créent, mais il est important pour nous de soutenir les propositions de ces artistes et de braquer les projecteurs sur celles qui sont porteuses de sens pour une grande partie de la population.

Q : Quel est le rôle des prix artistiques dans ce contexte?

Aki-wayn-zih, a memoir by Eli Baxter

Le mémoire d’Eli Baxter, Aki-wayn-zih, a remporté un Prix littéraire du Gouverneur général en 2022 dans la catégorie Essais en anglais. Cet ouvrage nous propose de plonger dans la culture, la langue et l’histoire anishinaabe.

Brault : Le Conseil des arts a le mandat de gérer, de subventionner et d’organiser le plus grand portefeuille de prix artistiques au pays, des prix en littérature, en architecture, en arts visuels et en arts de la scène. Par exemple, cette année, 14 ouvrages ont été sélectionnés par des comités parmi 1 200 livres pour les Prix littéraires du Gouverneur général.

En tant que directeur et chef de la direction du Conseil des arts, je m’assure de lire chaque année les 14 livres gagnants, car ils me donnent le pouls de ce dont débattent les poètes, les romancières et romanciers, les traductrices et traducteurs ainsi que les essayistes. Je constate que ces artistes abordent toutes ces choses dont nous avons parlé avec beaucoup de puissance et d’émotion. Ces questions ont de l’importance pour les artistes, qui réfléchissent constamment et remettent en question les mentalités sociétales.

Q : Quel est le plus grand défi du Conseil des arts?

Brault : La qualité et la diversité des productions artistiques dans ce pays augmentent, en grande partie parce que nous pouvons inclure, soutenir et reconnaître des voix qui ont été ignorées ou marginalisées pendant très longtemps.

Je suppose que notre combat réside dans la nécessité de créer un espace suffisant pour que les gens puissent interagir avec ce qui est créé, parce que nous finançons beaucoup de créations artistiques, mais en même temps nous savons que les grandes plateformes – Netflix et compagnie, la diffusion en continu et tout ça – occupent un espace encore plus vaste. Cela dit, comment nous assurer de consacrer autant d’attention aux propositions artistiques et littéraires pertinentes et de qualité, et de favoriser l’engagement authentique du public ou son exposition à ces œuvres?

Je pense que c’est là où nous en sommes et, honnêtement, d’ici les 10 prochaines années, ce sera un test important. Nous devons nous assurer, encore une fois, de stimuler la création, mais aussi l’engagement du public à l’égard de ce que proposent les créatrices et créateurs en arts visuels, en littérature, en cinéma et en musique. Nous devons nous assurer que tout le monde peut voir et entendre ces offres et en profiter. Ce sera notre défi au cours des prochaines années.

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Les photos sont publiées avec l’aimable autorisation de Tony Fouhse et du Conseil des arts.

Friday, December 2, 2022 in , , ,
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