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Les coalitions dans le secteur caritatif : la nécessité de renforcer la communauté

September 18, 2025

Time to read: 6 minutes

Dans notre récente enquête sur les coalitions (PCPOB 3.03.08, mars 2025), nous avons constaté que 42 % des organismes caritatifs déclaraient faire partie d’une ou plusieurs coalitions, 37 % n’avaient jamais fait partie d’aucune coalition et 16 % ne savaient pas exactement ce qu’était une coalition. Les résultats de cette enquête ont suscité de nombreuses questions.

Pourquoi s’intéresser aux coalitions ?

La littérature scientifique définit les coalitions comme deux ou plusieurs organisations qui collaborent pour atteindre un ou plusieurs objectifs communs, souvent dans le but de défendre un programme politique public commun. Elles sont fondées sur des intérêts communs, une action collective et une confiance mutuelle, plutôt que d’être constituées en entités formelles et enregistrées. Les coalitions peuvent être des organisations caritatives partageant les mêmes idées et travaillant dans le même domaine, ou un groupe plus diversifié d’organisations caritatives et à but non lucratif ayant des intérêts communs mais aussi divergents. Elles peuvent également être intersectorielles, impliquant des organisations caritatives/à but non lucratif et des entreprises qui existent normalement en deux mondes distincts mais qui se réunissent autour d’un objectif commun. Elles peuvent fonctionner à n’importe quelle échelle, du niveau local au niveau national et international.

Les coalitions ne sont pas une invention moderne. Elles s’inscrivent dans une longue tradition d’entraide organisée. Émile Durkheim, dans Éthique professionnelle et morale civique ([1992]2018), décrit les guildes médiévales comme étant plus que de simples unités transactionnelles : elles étaient des communautés morales, fondées sur la solidarité, la responsabilité partagée et l’éthique civique. Un exemple historique frappant est tiré de l’ouvrage de Richard Mackenney, Venice as the Polity of Mercy (2019), qui explore comment les confréries (guildes caritatives) de Venise entre le XIIIe et le XVIIe siècle ont contribué à structurer la vie civique autour de la compassion et de l’entraide. Ces « confréries » laïques n’étaient pas des institutions hiérarchisées, mais des collectifs autonomes, ancrés dans les quartiers et les métiers, une forme précoce de ce que nous pourrions aujourd’hui appeler une activité sectorielle ou alignée sur une mission.

Au Canada, des coalitions existent depuis longtemps dans de nombreux sous-secteurs. Elles couvrent des domaines aussi variés que la jeunesse, les droits humains des peuples autochtones, le logement, l’aide humanitaire, la connaissance des océans et bien d’autres encore. Du milieu des années 1990 au début des années 2000, la Table ronde du secteur bénévole (une collaboration entre 12 organisations faîtières) a joué un rôle déterminant dans la promotion et la direction d’une initiative majeure avec le gouvernement fédéral visant à réformer les politiques et la réglementation et à sensibiliser le public au secteur caritatif.

Pendant la pandémie, des coalitions sectorielles ont été créées dans plusieurs pays afin de permettre aux organismes de bienfaisance de s’exprimer de manière coordonnée auprès des gouvernements. Au Royaume-Uni, cette initiative s’est transformée en un groupe de la société civile comptant plus de 50 membres. Au Canada, deux coalitions de ce type ont vu le jour pendant la COVID, mais elles ont toutes deux été de courte durée.

Cela a éveillé notre curiosité : dans quelle mesure les organismes de bienfaisance canadiens participent-ils à des coalitions et quels avantages celles-ci leur apportent-elles ? D’une manière plus générale, nous souhaitons comprendre pourquoi le Canada n’a pas mis en place de coalitions sectorielles de leadership politique comme d’autres pays l’ont fait.

Indications importantes tirées des réponses au sondage

Dans le sondage de mars 2025, 42 % des participants ont indiqué qu’ils étaient actuellement membres d’une coalition ; 4 % avaient participé dans le passé et 37 % n’avaient jamais fait partie d’une coalition. La grande majorité (80 %) des coalitions sont constituées d’organismes de bienfaisance du même sous-secteur, dont 37 % sont des organisations communautaires. Environ un tiers des coalitions sont composées d’un mélange diversifié d’organismes de bienfaisance (ou à but non lucratif) de différents sous-secteurs. Seuls 11 % participent à des coalitions avec des partenaires commerciaux ou des entreprises et 9 % avec des syndicats ou des associations professionnelles. Les coalitions sont axées sur le Canada, seules 9 % impliquant des organisations internationales.

L’enquête indique que les participants tirent de multiples avantages des coalitions. L’avantage le plus important est la valeur du réseautage (80 %) et l’accès à l’information qui y est associé (52 %). Des efforts de plaidoyer plus importants et une influence politique plus forte sont très appréciés, comme l’ont souligné 71 % des répondants. Des avantages concrets tels qu’un meilleur accès aux ressources (67 %), une efficacité accrue dans la réalisation de la mission (35 %) et des possibilités de financement (32 %) jouent également un rôle, mais ne constituent pas les principales motivations. Les coalitions offrent également des avantages immatériels appréciés, tels que le « sentiment d’appartenance à une communauté » (62 %) et l’apprentissage et le développement professionnel (55 %). Comme l’ont souligné certains répondants :

  • We work together across different groupings to address sustainability in all senses of the word – financial, environmental, relevant – and to hold each other in hope and courage.

Le manque d’informations et de sensibilisation apparaît comme la principale raison invoquée pour ne pas participer à des coalitions : les organisations caritatives ne connaissent pas celles qui existent (48 %). Le manque de temps ou de capacités était un obstacle beaucoup moins important (cité par 22 %), tandis que 17 % ont déclaré ne pas savoir pourquoi elles ne rejoignaient pas les coalitions.

La coalition, un concept flou

Ce qui n’apparaît pas dans les questions générales, mais qui est mentionné dans les 122 réponses ouvertes, est peut-être plus révélateur de la façon dont les coalitions sont perçues. 43 des 141 commentaires codés (31 %) ont révélé une confusion quant à la signification réelle du terme « coalition ». De nombreux participants se sont demandé si les partenariats, les groupes de travail, les tables sectorielles ou les adhésions comptaient, tandis que d’autres ont décrit des formes riches de collaboration qu’ils hésitaient à qualifier de coalitions :

  • I am not sure what a coalition would be in the charitable sector. Our organization often partners with and collaborates with other organizations. Is that a coalition? We are also a paying member of organizations who advocate on our behalf […]. Are these coalitions?

Certains considéraient les coalitions principalement comme des mécanismes de plaidoyer :

  • I’m not sure what is meant by coalitions. We work in partnership or collaboration with other organizations. Coalition seems to suggest multiple organizations coming together for advocacy.

Ces conclusions nous invitent à prendre du recul et à nous poser une question plus large : de quoi parlons-nous réellement lorsque nous évoquons les coalitions, et comment mieux différencier les différents types de coalitions ? Les coalitions sont-elles simplement des moyens de défense des intérêts, ou peuvent-elles être quelque chose de plus profond : des réseaux vivants de solidarité, de soutien mutuel et d’action commune ? Les coalitions pourraient-elles mieux décrire ce qu’elles sont et pourquoi elles pourraient être pertinentes pour davantage d’organisations caritatives ?

Conclusion

Cette réflexion n’apporte pas de réponses à ces questions : elle ouvre simplement un espace pour une réflexion plus approfondie et une exploration commune. Dans un secteur fragmenté et aux ressources limitées, en particulier en cette période d’incertitude politique et économique, nous pourrions peut-être commencer à réexaminer ce que les coalitions pourraient signifier, non seulement en tant que vecteurs de défense des intérêts, mais aussi en tant qu’espaces de solidarité, d’apprentissage partagé, d’entraide et de résilience communautaire. Et si nous revenions à des questions plus fondamentales :

Lorsque les organismes de bienfaisance se regroupent au sein de réseaux partageant des intérêts et des identités communs, que ce soit à l’échelle locale, sectorielle ou autre, ils peuvent puiser dans une tradition civique plus profonde, où l’action caritative et la défense des droits se renforcent mutuellement plutôt que de se faire concurrence. Le rétablissement de cette double vision pourrait-il nous aider à réimaginer l’avenir du secteur caritatif canadien, non seulement plus fort, mais aussi plus influent ?

Nous continuerons à réfléchir à la question soulevée par Phillips et ses collègues (2022, 2024) : pourquoi le Canada n’a-t-il pas mis en place des coalitions sectorielles de leadership politique comme d’autres pays l’ont fait, et quel serait l’intérêt et le potentiel d’une telle initiative ?

Auteurs

Phillips, Susan

  • MPNL Director & Policy Lead
  • Email Susan
  • 613-520-2600 ext x 2633

Nguyen, Thi Kim Quy

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